lundi 23 avril 2012

La grande course


 J'aime les soirées électorales. Je crois bien les avoir toujours vues comme une sorte de grande fête à laquelle chacun peu participer, une grande fête pour la République, un quatorze juillet hors saison avec les cris des foules et les souffles qui se suspendent, les chars et les feux d'artifices en moins. Je me rappelle, étant petite, avoir joué autour des isoloirs, à chaparder les bulletins dans les poubelles pour voir qui avait été mis au rebut par les grandes personnes, puis courir après les copains à travers le gymnase. Toute la journée, l'attente montait, on comptait les heures puis les minutes nous séparant du résultat et, privilège suprême, on était autorisés à regarder la télévision jusqu'à bien plus tard qu'habituellement pour enfin voir s'afficher les visages des vainqueurs sur la surface bleutée de l'écran...

C'était comme les Jeux Olympiques, avec moins d'épreuves et des coureurs moins beau, mais presque autant d'excitation dans l'air... Dans nos vies solitaires et étriquées, j'aime ces rappels à la communauté, savoir que chacun, à 19h59, retient son souffle, espérant de tout cœur que son candidat passe devant, qu'au même instant des milliers de gens lèveront les bras en signe de victoire ou s'affaisseront un peu dans leur fauteuils. Enfin, oui, je sais bien que je m'illusionne, que tout le monde n'est pas si investi dans cette petite minute de suspens, que nombreuses sont les estimations qui se passent sous le manteau virtuel, mais quoi ! Qu'importe ! Hier, j'ai fermé Twitter, j'ai clos mon navigateur, et je n'ai pas boudé mon plaisir en attendant 20h ! Nous avons regardé ensemble le décompte final, levé les bras en l'air, juré, parlementé jusqu'à plus soif en écoutant d'une oreille distraite les discours des divers concurrents...

C'est ce genre de moments qui me grisent et m'intoxiquent et me font aimer les concours jusqu'à plus soif. Les pieds dans les starting-blocks, tout est possible. A chacun de donner le meilleur de lui-même, d'aller au maximum de ses capacités, en se rappelant biens sûr que l'essentiel, c'est de participer... Non ? Une fois la course achevée, la dernière copie rendue, commence l'attente et le suspens, l'attente interminable qui vous empêche de vous concentrer sur vos tâches quotidiennes et qui vous réveille aux heures sombres de la nuit. Ah ! J'ai toujours préféré les sprints aux courses de fond ! Et puis soudain, après avoir incessamment rafraîchi la page pendant des jours, le lien vers les résultats apparaît sur l'écran. Une seconde, mon cœur s'arrête, juste le temps de prendre la mesure de l'instant. Dans une seconde, ma vie peut basculer. Clic.

C'est donc de tout mon cœur que j'envoie mes pensées de courage aux candidats de ce tour-ci. Une partie de moi-même aurait aimé courir à vos côtés... Mais ma raison voit bien que ce que j'aime plus que tout c'est la course, pas la victoire. Bah, pour les sensations fortes, je me rattraperais devant mon écran cet été...




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Photo : prise par The World According to Marty.
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